...Un Atelier Comme  Un Autre...?

Sans doute voit-on d’abord les os, dans leur ordre rompu, inerte comme un champ de météores. La racine fulgurante s’y noue, une fleur solaire s’ouvre dans une cage thoracique, les ossements ont une couleur chair, couleur d’or, couleur de fruits. Ils habitent parfois des corps transparents qui condensent autour d’eux  leur durée différente. Métonymie de la matière, cristallisation de la figure, tout est là, lourd de ce qui résiste et jusque là, rongé par la carie sournoise. Signe noir de la maladie, ride minérale, petite bouche sombre à peine visible, à peine audible, dans l’accumulation des évidences. Bouche ouverte des visages qui ne sont plus que un trou.
Tout est cri dans un lieu sans oreilles. Et pour calmer le cri, adoucir son angoisse, se tisse la tache paisible et monotone de la lettre, la zone mélodique de la ligne.
Tout est écrit. C’est la célébration du silence par la trace de parole. L’espace pur du désert déployé dans la faculté des signes. Les couleurs lumineuses se sont déposées comme la pluie, en couche sédimentaire qui ramène chaque forme au pli. Comme l’univers, c’est un travail de longue patience, mais il reçu de son enfance le temps démesuré. Abdou peint dans sa langue maternelle. Pour lui, la peinture et la calligraphie ne se sont jamais séparées. Chaque lettre possède une valeur poétique et plastique, et tout est lettre ou porteur de lettres.
Dans le souffle du monde, des nuées de signes virevoltent et viennent se poser pour mâcher le sens, longuement.  Le souffle et l’écriture sont solidaire.
Quand la peinture s’arrête, on a perdu ce qui était écrit dans son propre labyrinthe de lignes. je lui ai souvent demander de me raconter ce qui était écrit. je n’ai jamais obtenu que des mots et du silence.
Jamais de discours. La grammaire s’est figée dans l’interstice de la traduction. Il m’a dit « soit, entre le O et le I se tient le devenir ». L’intervalle contient des rêves du possible. C’est l’intermittence de la mobilité. Car ces plis cérébraux dessinent la mutabilité intestine, le mouvement qui possède ce continent ailé d’insectes et d’oiseaux. L’écart, c’est le rythme même qui mène la danse. Les silhouettes se dédoublent, se détriplent. Chaque moment quitte son enveloppe pour s’associer au ballet universel des astres et des âmes. Le corps derviche cherche le juste accord de son pas, danse son expansion, son immersion dans le chant général. Les signes doux comme un philtre d’herbes soignent toutes les blessures.
Lucienne Strivay

 
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